Touché mais certainement pas coulé

Touché mais certainement pas coulé

La Solitaire du Figaro Paprec a la réputation d’être exigeante. Elle peut aussi être terriblement cruelle, ainsi qu’elle l’a montré lors de la deuxième étape de cette 54e édition entre Kinsale et la baie de Morlaix via le phare de Chicken Rock, au sud de l’île de Man.
Le groupe qui était parvenu à faire une nette différence lors de la première nuit, au sud des côtes irlandaises, a vu tous ses efforts voler en éclats lors du passage du DST Smalls situé au large de la pointe Saint David’s, au Pays de Galles. Empétolé et à la lutte avec un courant de face, il a en effet vu les retardataires faire le tour de la paroisse et s’emparer des commandes de la flotte. Pire, il a ensuite subi deux fois la renverse de marée dans les derniers milles avant l’arrivée et ainsi encaissé un retard presque surréaliste.
C’est dans ce contexte que Tom Dolan a terminé en 20e position peu avant 9h30 ce vendredi, une quinzaine d’heures après le vainqueur. Un coup dur pour le skipper de Smurfit Kappa – Kingspan qui avait remporté la première manche. Reste que s’il prend ainsi un méchant coup dans l’aile au classement général, il est plus que jamais déterminé à rebondir au mieux dès le troisième et dernier acte programmé ce dimanche.

Depuis sa création, en 1970, la Solitaire du Figaro a souvent offert des scénarii parmi lesquels les plus improbables. Celui de cette deuxième étape entre Kinsale et Roscoff fait indiscutablement partie des plus hallucinants de l’histoire de la course. Après une première nuit qui a littéralement éclaté la flotte et donné l’avantage au groupe ayant opté pour une route au ras des côtes irlandaise, la tendance s’est totalement inversée lors du contournement du dispositif de séparation de trafic Smalls, mercredi matin. Ainsi, les leaders, parmi lesquels Tom Dolan, ont vu leur avance qui semblait pourtant très confortable, fondre comme neige au soleil.
« Ce qui s’est passé est complètement fou. Je n’ai pas tout compris. J’imagine que les autres sont passés à l’intérieur du DST », a relaté le navigateur qui, pour sa part, s’est retrouvé face à un mur à ce moment de la course. « Quand on est arrivé, il y avait cinq nœuds de courant et pas de vent. C’était infranchissable ! », a souligné le skipper de Smurfit Kappa – Kinspan qui a tout fait, ensuite, pour tenter de revenir au score, mais qui a malheureusement subi une nouvelle sanction à l’arrivée car si les premiers sont arrivés avec le courant, lui et de très nombreux autres, parmi lesquels certains favoris comme Alexis Loison ou Guillaume Pirouelle, ont buté dedans. « Dans ce type de situation, prendre 3-4 milles, c’est dur mais c’est concevable. Prendre 15 ou 18 heures, c’est juste dingue ! », a commenté le marin.

« J’ai assez bien navigué au final »

De fait, rarement dans l’histoire de la course au large on a vu des écarts si monstrueux et autant de retournements de situations. Quand on sait que vainqueur, Basile Bourgnon, a compté plus de trente milles de retard sur la tête de flotte en début d’étape, il parait presque inconcevable qu’il termine finalement avec plus d’une demi-journée d’avance sur le gros des troupes. « J’ai eu un petit pétage de câbles hier en fin de journée. J’ai frappé la bôme et j’ai dit des gros mots en anglais que je ne peux pas répéter mais globalement je suis resté plutôt calme. J’ai assez bien géré le truc même si, cette nuit, c’était long. J’avais seulement envie d’arriver et j’essayais de faire avancer le bateau au mieux pour franchir la ligne », a indiqué Tom qui n’a, finalement, pas grand-chose à se reprocher dans cette étape. « J’ai assez bien navigué au final. Ce que me contrarie, c’est quand je fais des conneries et que je régate mal. Là, ce n’est pas le cas. On est juste arrivés trop tôt au DST. C’est dommage que ce soit une double peine à l’arrivée car non seulement on a perdu la tête de la course mais en plus on a perdu la Solitaire », a commenté le navigateur qui rétrograde de la première à la 19e place au général provisoire, et affiche 15 heures et 13 minutes de retard sur le premier. L’important pour lui, désormais, est de rebondir vite et bien. D’aller chercher un nouveau podium d’étape lors du dernier acte entre la baie de Morlaix et Piriac-sur-Mer dont le coup d’envoi est programmé ce dimanche, et ainsi confirmer tout son talent.

L’œil de Gildas Mahé, préparateur de Tom et fin régatier

« Tom termine l’étape plutôt philosophe. Il a eu le temps de digérer la déception et l’énervement. Je crois que lorsqu’il a posé le pied à terre, dans sa tête, la manche était déjà finie depuis longtemps. Il a bien navigué et n’a pas lâché le morceau. Ça a distribué énormément. A ce point, je n’avais d’ailleurs jamais vu sur une Solitaire du Figaro. On avait déjà vu 8, 9, 10, 11 heures d’écart mais jamais 15 ou 18 ! J’ai en mémoire une étape de l’édition 2009 lors de laquelle Armel Le Cléac’h et moi étions en tête et à l’issue de laquelle on a finalement terminés 43 et 44e à plus de 9 heures du premier ! Ça oblige à prendre la météo avec des pincettes ! Tom et les autres, parmi lesquels de très bons stratèges comme Alexis Loison ou Guillaume Pirouelle, n’ont rien maîtrisé. Selon les modèles, les routages annonçaient aussi bien des arrivées le jeudi après-midi que le samedi matin. Ça flairait la météo foireuse et cela s’est confirmé. Heureusement, il n’y avait que 40 de coefficient de marée. Ils n’ont pas eu besoin de mouiller. Cette fois, il fallait être au fond du bus au début pour gagner. C’est dur mais c’est ainsi. A présent, il faut se projeter sur la suite ! »